Les langues de nos ancêtres #2 : le limousin

montage creusois

J’espère que vous appréciez ce magnifique montage fait par moi sur Paint ! On peut traduire ce petit texte par « Bonjour ! Comment ça va ? » (ouais je sais, je me suis pas trop cassée le trognon sur ce coup-là).

Bon, aujourd’hui, vous l’aurez compris, direction le Limousin pour vous parler… du limousin !

Le limousin / Lo lemousin

Et oui, le limousin, c’est une langue qui existe ! Il s’agit d’un dialecte de la famille des langues d’Oc, ou Occitan, dont je vous avait parlé rapidement ici.

 

dialectes occitans
Carte des dialectes occitans

On le parle dans les trois départements constitutifs du Limousin (Haute Vienne, Corrèze, Creuse), mais également en Dordogne et, dans une moindre mesure, en Charente. Si je vous en parle aujourd’hui, c’est justement parce que j’ai des origines en Haute Vienne, notamment à Saint-Yrieix-la-Perche, Eyjeaux, ou encore Boisseuil.

600px-Carte_occitan_limousin.svg
Aire linguistique du limousin, en vert foncé

Le marchois, en vert clair, représente la limite entre les zones d’Oc et d’Oïl. Cette zone est appelée le Croissant (lo creissent) à cause de sa forme. On y parle des variétés de limousin et d’auvergnat qui ont des traits de transition vers le français (langue d’oïl).

Bref, revenons à nos moutons… à nos vaches !

 

cow-2494833_1280
Vache limousine, très présente dans la région (et trop belle !)

Un peu de linguistique…

Le limousin, et donc l’occitan, fait partie des langues romanes comme le français, l’espagnol ou encore l’italien. D’une manière plus précise, l’Occitan est un proche cousin du catalan, langue très parlée en Espagne.

Pour avoir un petit aperçu de la langue, voici un extrait de Lo tems vai e ven e vire, poème de Bernart de Ventadour (Bernat de Ventadorn), troubadour corrézien du XIIe siècle :

Lo tems vai e ven e vire
Per jorns, per mes e per ans,
Et eu, las no.n sai que dire,
C’ades es us mos talans.
Ades es us e no.s muda,
C’una.n volh e.n ai volguda,
Don anc non aic jauzimen.

Le temps va, vient et retourne,
en jours, en mois, en années,
et moi, hélas ! je ne sais qu’en dire,
car sans cesse est un mon désir.
Sans cesse il est un sans changer
j’en désire une et je l’ai désirée
sans jamais en avoir la jouissance.

 

Au XVIIIème siècle, Jean-Baptiste (et non pas Jean-Pierre) Foucaud, un poète de Limoges, a même décidé de traduire les fables de la fontaine en limousin !

 

cigalo é fermi
La Cigale et la Fourmi

 

Un peu d’histoire…

Au XIIIe siècle, la littérature populaire du Limousin est à son apogée, et les premiers troubadours (dont notre fameux Bernart, mais aussi d’autres gars comme Guillaume IX d’Aquitaine, Bertran de Born…) utilisent le limousin dans leurs œuvres. La langue influencera par la suite les troubadours catalan, grâce à la proximité entre l’occitan et le catalan. Cela entraînera d’ailleurs une confusion, et l’expression « langue limousine » (lengua lemosina) sera utilisée, à tort, pour désigner la langue catalane.

bernart
Un portrait stylé de Bernart

Le limousin était également la langue natale des grands seigneurs d’Aquitaine et du Limousin, comme par exemple Aliénor d’Aquitaine, ou encore son fils le roi Richard Cœur de Lion, qui a par ailleurs composé un poème en limousin lors de sa captivité : « La complainte du prisonnier » (Ja nuns hons pris).

Le dialecte limousin devient jusqu’au XVIe siècle la langue officielle de la région et reste la langue orale dominante jusqu’au début du XXe siècle, époque à partir de laquelle le français prend le dessus, comme dans les autres régions françaises.

 

Son statut actuel ?

Il est difficile d’estimer le nombre de locuteurs de cette langue, certaines sources l’estimant à 400 000 locuteurs. Si l’Occitan se porte bien en Espagne (Catalogne) ou en Italie, le limousin, comme bon nombre de langues régionales en France, est classé comme « sérieusement en danger » par l’UNESCO.

A Limoges et à Périgueux, on peut noter l’existence d’associations et d’écoles bilingues : les Calandretas Lemosinas.

En Corrèze, on a l’Institut d’Études Occitanes du Limousin, qui propose des cours et activités culturelles (animations, spectacles, expositions,…) en rapport avec le limousin. Dans cette association, on retrouve la Librariá occitana, à Limoges, qui propose de multiples ressources littéraires en Occitan.

Librairie_occitane,_Limoges
La Librariá occitana à Limoges

 

Je conclurai cet article par une photo de mes ancêtres, Henri Chateau et Victorine Nouhaud (sosas 30 et 31), très souriants en costume limougeaud* :

limougeaud

 

*limougeaud : relatif à la ville de Limoges

Sources :

Vieille carte (photo de couverture) : Geneanet : https://www.geneanet.org/cartes-postales/view/269178#0

https://oc.wikipedia.org/wiki/Lemosin_(dial%C3%A8cte)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Langue_limousine

https://fr.wikipedia.org/wiki/Occitan

http://emusicale.free.fr/HISTOIRE_DES_ARTS/hda-musique/VENTADOUR-chansons_courtoises/30-BdV/_lo_tems_vai_e_ven_e_vire(1).php

http://clif.over-blog.com/article-19924083.html

http://www.moyenagepassion.com/index.php/2016/01/22/chanson-et-poesie-medievales-la-complainte-du-prisonnier-de-richard-coeur-de-lion/

https://fr.wikipedia.org/wiki/Croissant_(linguistique)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Baptiste_Foucaud

https://books.google.fr/books?id=4WoCAAAAQAAJ&printsec=titlepage#v=onepage&q&f=false

http://www.bn-limousin.fr/collections/show/7

Image : Lo Cigalo é lo Fermi : https://www.encreuse.net/forum/viewtopic.php?f=33&t=4152

 

Justine 🖋

 

6 réflexions au sujet de « Les langues de nos ancêtres #2 : le limousin »

  1. Bonjour, Richard Cœur de Lion était emprisonné à Haguenau qui faisait partie du Saint Empire romain Germanique. Dans cette ville se trouvait le palais de l’empereur Friedrich Barbarossa

    J’aime

Répondre à Justine Annuler la réponse.